Sylvain Tesson. L’éloge de l’énergie vagabonde. Paris : Éditions des équateurs, 2007.
Lasse de la vie immobile, je vous propose la lecture de Éloge de l’énergie vagabonde de Sylvain Tesson. Tesson encore et encore me direz-vous. Eh bien oui, simplement parce qu’en ces temps passablement étriqués, j’ai confiance en son écriture et je me suis délectée de ce récit de voyage dans lequel la géographie, la géopolitique et la philosophie s’entremêlent en une écriture poétique.
C’est sous un soleil de plomb, père de toute énergie, que Tesson sur son vélo s’élance de Nokous en Ouzbékistan pour rejoindre Ceyhan en Turquie. Il va suivre les pipelines qui acheminent les deux énergies qui font que le monde palpite à l’idée du vouloir toujours plus « cette énergie de la soif ». Il suit la trace de ces tubes remplis de pétrole ou de gaz qui traversent l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et enfin la Turquie car « Alors l’esprit concentré peut cheminer le long d’une route unique, et s’exercer tout entier à la plus belle vertu, la plus énergétique : être attentif. »
Comment définir l’énergie ? : « L’énergie serait un processus, puisant dans la force intérieure de quoi entrainer, sous l’aiguillon de a volonté, une série d’actions tendant vers l’accomplissement des désirs. » L‘idée nietzschéenne d’une volonté de puissance est une possibilité. Cependant, c’est auprès de Goethe que Tesson se réjouis : « Je cherche le secret de l’énergie de l’âme. »
Traversant des campagnes reculées reliées cependant à la ville par le portable de chacun, grinçant contre ces hommes maîtres de l’ombre et des ombres voilées, s’attardant sur l’énergie des abeilles, Tesson cogite sur l’état de notre planète et les possibles fins : « Il existe deux autres voies pour mettre un terme à l’insulte faite à la terre. Une infime poignée de vagabonds, racleurs de vents et princes des cabanes, nous indique le chemin qui mène à la première […]. Ils se sont exclus de la spirale énergétique […] La seconde issue préconise de consommer toujours plus. Précipitons donc la fin de nos maux : accélérons l’épuisement de nos ressources. Que tournent les moteurs. Que dégueulent les pipes et flambent les torchères ! Il ne sera alors plus temps d’organiser un commerce équitable (à qui Tesson reproche la tiédeur), une réduction des impacts ou un échange éthique. Mais il sera question d’imaginer vraiment un autre monde. »
Tesson conclut ce vagabondage attentif par une perspective philosophique universaliste : « L’énergie, cette faculté de se précipiter dans l’inconnu. »
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