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  • alencreclaire

La pluie d'été de Marguerite Duras


Quelle étrange lecture que celle de La pluie d’été de Marguerite Duras ( 1990).

Vitry, une banlieue « terrifiante, introuvable, indéfinie » où Marguerite Duras a tourné son film les Enfants en 1985 lui inspire la vie de cette famille dont le père venu de la plaine du Pô et la mère peut-être arrivée de son Caucase natal sont parents de sept ‘brothers and sisters’ qui trouvent refuge auprès d’Ernesto et Jeanne les ainés dans l’appentis au fond du jardin qui est à la fois le cœur palpitant de la fratrie et le révélateur des limites de l’amour. Car l’amour, thème favori de Duras, est vécu ici comme une aporie. La romancière dépeint la violence de sentiments aberrants et complexes, la folie de l’amour et du désamour, la peur, la fuite, l’abandon et la perte. Le chaos de cette famille s’inscrit dans un chaos bien plus universel, celui de l’humanité déboussolée par l’inexistence de Dieu, l’absence d’un amour absolu : « Oui. La seule pensée de l’humanité, c’est ce manque à penser là, Dieu. » Au milieu des cris de cette agonie sociale, de cet amour violent, de la folie assourdissante de l’amour, La pluie d’été se veut résolument un roman d’apprentissage. Ernesto, l’ainé, apprend à lire seul grâce au grand livre brûlé, l’ecclésiaste dans l’ancien testament dans lequel le Roi d’Israël dit : « J’ai vu que tout est Vanité et Poursuite du Vent » ce qui amène Ernesto à rejeter l’école : « Je ne retournerai plus jamais à l’école parce qu’à l’école on m’apprend des choses que je ne sais pas. » Il comprend que l’intelligence, le savoir, la transmission et la création se trouvent ailleurs. Á son frère qui lui demande de représenter la connaissance, il répond : « On ne peut pas le faire en dessin. Parce que c’est comme le vent qui ne s’arrête pas. Un vent qu’on ne peut pas attraper, qui ne s’arrête pas, un vent de mots, de poussière, on ne peut pas le représenter, ni l’écrire ni le dessiner. » Forts de ces mots, les frères et les sœurs vont, parfois dans la gaité mais souvent dans la violence, s’employer à mettre en pièces toutes les certitudes et les principes que la société leur impose.

La pluie d’été, ne fait pas refleurir le jardin de la connaissance où tout recommencerait, au contraire, c’est le déluge qui engloutit Vitry, qui engloutit l’enfance. Commence alors l’errance, le déplacement.

Un roman durassien remarquablement bien écrit, dense avec des dialogues teintés d’humour et une poésie présente là où l’on ne l’attend pas. Et puis le délice des notes didascaliques…

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