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alencreclaire

La femme sauvage I

Dernière mise à jour : 11 mai 2021


Passé le col, je serai chez moi, je verrai ma maison au milieu de nulle part, mais si près de mon village de toujours. Je rentre, après des mois à bourlinguer dans une Afrique aussi belle que dévastée à transporter des médicaments d’un côté ou de l’autre sans jamais vraiment comprendre ce qui se passe, sans capter ce qui est important. J’adore monter cette route défoncée et étroite, et puis, arrivé au sommet, plonger dans la vallée de vigne qui s’offre sans retenue jusqu’à l’horizon. Mon vieux Toyota sent l’écurie et trace sans peur sur le goudron délavé. Je ne me suis pas éternisé dans un Paris déboussolé et amer après une année à baigner dans son jus. Non, cette fois, je rentre à toute vitesse. Ses yeux. Ses yeux noirs à l’infini. Cette immensité inexplorée me pose des questions dont j’ignore le sens, cherche à travers mon regard à résoudre des énigmes qui me dépassent. Elle ne me demande rien. Elle me regarde. C’est tout. Une femme sauvage s’est installée dans notre village pour écrire sur l’Afrique, et moi je sillonne en Afrique pour connaître les fragments de ma vie. On s’est découvert il y a peu. Pour ne pas la faire partir, j’ai lentement effleuré sa joue d’une main malhabile. Indépendante, sans enfants, elle a lu les livres de la vie à sa manière. Au bistro, les hommes ne l’aiment pas parce qu’elle n’a pas besoin d’eux pour être qui elle est. Mais moi, je sais qu’en douce, son corps se tend vers moi, alors je rentre.

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