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  • alencreclaire

La femme sauvage XIX


Ses nuits blanches la laissaient dans le noir. Ses idées jetées en l‘air retombaient à plat sur des feuilles muettes. Elle n’avait pas les mots pour m’offrir un avenir d’homme. Elle luttait contre un abattement furieux et obscur. Elle avait pensé m’envoyer une lettre. Peine perdue, notre intimité rendait molle sa verve de papier. Elle invoquait les dieux, les esprits, son âme et même parfois ses souvenirs. Rien, rien n’avait grâce à ses yeux. Elle s’asseyait alors dans son fauteuil, et des heures durant, admirait le velouté de l’automne au clair de lune. Elle restait là, comme évaporée, absente à elle-même. Où était-elle alors ? Que se passait-il en elle qui m’échappait au point de craindre de la perdre. Au fil du temps, j’avais appris à retenir mon souffle lorsque la tourmente menaçait. Je m’effaçais, ou alors, elle me rayait avec rage de ce décor, beau pourtant. Mais là, ses yeux nuit devenaient aveugles à la vie, et se noyaient dans des flots salés et amers. Elle souffrait. Le silence de ses mots révélait une ligne de crête sortie des décombres alors qu’elle se voulait passe-muraille. Cet effondrement de l’âme s’infiltrait entre elle et moi sans pour autant nous condamner. Elle me voulait heureux, c’était là, son port d’attache.

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