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  • alencreclaire

La femme sauvage XXIII


Parfois, elle dessinait mon visage sur un bout de papier. Elle s’interrogeait sur le clair-obscur de mon regard, tentait de découvrir le secret de mon grain de peau, questionnait la crédibilité d’une ridule.

Elle était très attentive à la beauté. Elle observait de près les visages qui l’entouraient et aussi les corps lorsque ceux-ci se donnaient à voir. Les visages étaient de véritables énigmes qu’il lui fallait résoudre. Elle dévisageait pour mieux envisager leur mystère, ce qui se cachait derrière ces yeux fardés, cette bouche ridée, ces joues rebondies. Ce n’était pas tant la finesse ou la régularité des traits qui l’intéressait mais plutôt tout ce qui échappait à son regard, ce qu’elle ne percevait pas mais qui portant s’imposait à elle. Oui, bien sûr la beauté intérieure, oui bien entendu, la tension sexuelle comme potion magique, oui à l’amour qui sublime les larmes. Cependant, disait-elle, lorsqu’elle me regardait, il lui semblait frapper à une porte close.

Elle en était venue à penser que la véritable beauté était une beauté clandestine. De celles qui avaient tout vu, tout connu. Qui ne craignaient ni l’éphémère, ni le vulgaire, qui se moquaient éperdument du masculin comme du féminin, de celles qui n’avaient jamais eu peur de rien. Selon elle, la beauté était une rebelle qui possédait toujours une longueur d’avance, elle vous ensorcelait avant même d’y avoir songé, elle devançait vos mots. Lorsqu’enfin vous pensiez vous trouver face à elle, elle avait déjà pris le maquis.

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