Tu as singulièrement manqué de poésie Sigmund sinon tu aurais exploré le champ des possibles du désir d’une tout autre manière, tu aurais vu plus grand, plus vrai, et vois-tu, malgré ton travail, ses adeptes et ses détracteurs, il me faut, comme tant d’autres, m’affranchir de tes dogmes et exprimer une liberté.
D’expérience, je sais que ce n’est pas le besoin sexuel qui initie mon désir et le texte d'Aristophane me le confirme enfin. Le désir dont je parle ne dépend pas du désir du corps et la procréation n’en est pas le but ultime. Non Sigmund, tous les malentendus, toutes les fausses routes sur lesquelles tes adeptes m’ont jetée, ont abouti à une impasse, ce qui a fait naître en moi, le sentiment puissant de ne pas être concernée lors de ces innombrables séances où je m’ennuyais ferme, pire encore, j’avais peu à peu acquis la certitude que j’étais le cas désespéré du divan. Non Sigmund, tu as tort, le désir ne se réduit pas à une énergie sexuelle. Loin de là. Et à y réfléchir, j’ai bien fait de claquer la porte du dernier, car de toute évidence, il n’était pas à la hauteur. Parce qu’en réalité, le manque qui provoque mon désir n’est pas sexuel mais plutôt biologique et il relève de la vie, du vivant. Comment aurais-je pu l’expliquer ? Comment aurais-je pu éviter l’interminable monologue de sourd ? Mon désir naît de la séparation en deux moitiés de l’être primitif que je formais avec Serge. C’est le manque de cette perfection initiale, de cette unité, de cette plénitude que je souhaite retrouver. Mon besoin sexuel est alors une simple manière d'assouvir ce désir, parfois de manière fugitive, il est le moyen de retrouver la sérénité que je possédais alors. Il y a de la nostalgie dans mon désir. Et la nostalgie est l’essence même de la poésie. Te rends-tu compte Sigmund à quelle petitesse tu as réduit le désir de l’humanité ? Mon désir est tout autre, bien plus vaste, il agit de manière plus imaginative aussi. J’attends autre chose d’une relation entre une femme et un homme que celles dont tu décris les mécanismes et que je ne reconnais pas, parce qu’au plus profond de moi, je sais parfaitement que la condition d’homme comme celle de femme peut être remise en question à tout moment. C’est inscrit en moi, car j’ai bel et bien vécu cet état aléatoire en tant que fille et en tant que garçon. Et ça change tout.
Il est temps de tourner la page, Sigmund et d’écrire autrement.
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