Et puis, il décida de ne pas franchir le pont, d’attendre la nuit et de se cacher de la lune. Au matin, engourdi par le manque de sommeil et le froid, il se dit que peut-être valait-il mieux rester là, et ne pas bouger. La courbe du pont l’empêchait de voir plus en avant, la nature reprenait ses droits et le feuillage était déjà dense. L’olivier l’invitait à venir à lui. La vigne taillée sortait à grand peine de l’hiver. Le jeune garçon seul et affamé fut en proie à un tourment intense qui le laissa triste et sans réponse. Il était parti de chez lui. La vie l’attendait ailleurs avait-il décrété. Elle m’attend au tournant se surprit-il à penser. Et, je suis là, face à la vie, sans savoir vers quel inconnu ce chemin me mène. Le pont est beau. J’aime ce pont mais je reste immobile, glacé d’effroi. Je suis jeune et plein de furie alors que mon corps cède à la peur. Ses sens en éveil le prévenaient, mais de quoi ? Il fit demi-tour et couru trouver refuge à la ferme toute proche. La lueur derrière le rideau rouge annonçait une présence et lui donna le courage de frapper à la porte. Un homme immense et sans âge lui ouvrit. Entre, entre donc. Viens plus près. Je t’attendais.
Plus jamais, on ne revit le tout jeune homme. Un loup, paraît-il, rodait près du pont, et disait-on, dévorait la chair tendre.
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