L'époque aussi figée soit elle, nous gratifie tout de même de nouveautés lexicales que nous avons su intégrer à nos conversations de linguistes avertis. Non sans états d'âme, il faut bien l'avouer.
D'un coup, le COVID a saisi notre naïveté à la gorge. Pendant un temps, on a cru ne pas être concerné, ce n'était pas notre affaire mais on était de tout cœur avec les chinois(es). La Chine, c'est bien connu, c'est loin. Cette distance dans une globalisation actée depuis longtemps, nous a fourni la note d'exotisme nécessaire pour encaisser le choc. La distance culturelle nous a permis de trouver le coupable idéal et de nous sentir mieux. Qu'est-ce-qu'on a du mal à accepter notre vulnérabilité, quand même. Quoi ! Nous les occidentaux, mourir de la même chose que les chinois ? Impossible, nous, on a la science et un bon paquet d'argent à mettre dans la médecine, et puis on a le savoir et un savoir-faire non négligeable et surtout la liberté. Un coup de massue en pleine face. Chute de notre égo, direction les catacombes. C'est d'ailleurs précisément à ce moment-là que le COVID est devenu transgenre en une nuit pour devenir la COVID. Pour le coup, on y a vu plus clair, on a retrouvé les vieux schémas qui ont fait leur preuve. La maladie, la sorcellerie, la mort.
Notre champ lexical s'est enrichi de mots inusités jusqu'alors comme le confinement, le déconfinement, et les petits nouveaux comme le reconfinement et le confinement hybride. Des mots qui n'ont plus de secret pour nous. Il faut dire qu'à force, on maîtrise. La chloroquine est un mot nouveau pour nous qui a ses adeptes et ses détracteurs, mais qui en tout cas, fait couler beaucoup d'encre journalistique ; question d'audience. Des mots sont redevenus communs comme couvre-feu, mais aussi complotisme, négationnisme, populisme, c'est fou ce que la sorcellerie inspire car il y va bien plus de la croyance que de la science dans ces discours nauséabonds. Le duel Dieu et la science ne serait donc pas une affaire classée. Elle nous pète à la figure au plus mauvais moment. Et puis, depuis quelques mois, nos conversations sont ponctuées de mots bizarres comme vaccins ARN, et toute une ribambelle de noms propres Pfizer-BioNTech en tête mais aussi Moderna, et même un vieux de la vieille Spoutnik se disputent nos faveurs.
La pandémie, un mot lointain presque africain dans notre fantasme grandiloquent a encodé notre relation à l'autre. Qu'en sera-t-il après ?
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